Téléchargez cet article en pdf : Tract mieux affaiblir la fonction publique VF
C’est au cœur de l’été que le 1er ministre a diffusé 2 circulaires portant sur « l’organisation territoriale des services publics » et sur « la déconcentration et l’organisation des administrations centrales ». Dans le même temps, le rapport sur la future Agence Nationale de la Cohésion des Territoires a également été publié. Ces 2 circulaires et ce rapport affirment la volonté de l’exécutif de réformer en profondeur l’organisation de l’Etat dans les territoires. Publier ces documents lorsque les agents sont partis en congés en dit long sur la volonté comme sur les basses méthodes de ce gouvernement : passer dans leur dos et éviter les débats. Les termes utilisés dans ces textes font suffisamment d’amalgame entre décentralisation et déconcentration des missions pour « enfumer » bon nombre de ses lecteurs.
Un objectif : sabrer les missions
Ces circulaires semblent laisser la main aux préfets de région pour faire des propositions d’ici la mi-octobre 2018. Or le cadre imposé définit déjà les orientations et donne l’objectif à atteindre : « la clarification des compétences et la réorganisation des services déconcentrés conduiront à revoir les missions comme le dimensionnement des administrations centrales et régionales … ». Sans évoquer la question des moyens, ces documents donnent les listes de missions dont les périmètres et les modalités de mise en œuvre doivent être « revus ». Les discours du président de la république comme de l’exécutif ne laissent cependant aucun doute quant au sens qu’ils donnent à ce terme ! Ce sera dans l’unique perspective de la baisse des dépenses publiques ! Et aux préfets et aux directeurs d’administrations centrales de se débrouiller ! Bon courage !
La remise en question des DDCS et DR(D)JSCS
Dans la liste de missions à revoir citées par les circulaires, si le logement, l’hébergement d’urgence, les migrants, l’égalité femmes/hommes, la politique de la ville et l’inspection/contrôle semblent rester de la compétence Etat, les réseaux des DDCS, des DRJSCS et des DRDJSCS et par conséquence, l’existence même de la DGCS, sont largement remis en question. Les autres compétences de ces directions ont « vocation à être largement revues » elles aussi ! La CGT n’a cessé depuis des années, d’alerter les ministres sur l’importance du maintien des missions de la cohésion sociale et sur la dégradation des conditions de travail des agents qui y sont affectés. Aujourd’hui, la vision Présidentielle décomplexée des questions sociales qui « coûtent un pognon de dingue » trouve également sa traduction dans ces circulaires : la remise en cause de ce réseau en matière de réduction des inégalités sociales comme d’éducation populaire aura des conséquences directes sur les populations fragiles et précaires.
Le mépris des agents et des usagers
Ces circulaires expriment avec cynisme, un mépris sans retenue vis-à-vis des fonctionnaires, des agents de l’Etat et des services publics en général. Après une belle introduction sur la place de l’Etat, les mesures demandées n’ont qu’une seule finalité : l’éclatement des services de l’Etat dans les territoires et son affaiblissement. En effet, les « points de contact » proposés à la place des maisons de service public ou des directions départementales, consacrent cet éclatement territorial en n’offrant que des guichets d’accueil bien loin des services compétents actuels qui apportent réponses et solutions aux usagers comme aux professionnels. Dans ce bouleversement de l’Administration Territoriale de la République, il devient légitime de s’interroger sur le devenir des administrations centrales. Car c’est bien « la République une et indivisible », et donc l’égalité de traitement sur le territoire, qui est remise en cause.
En conséquence pour les agents, les « rationalisations » évoquées consacrent encore un peu plus la dégradation de leurs conditions de travail : réduction des surfaces de bureau, réduction des moyens de fonctionnement et suppression de postes de fonctionnaires de l’Etat par dizaines de milliers.
Le comble du cynisme est atteint avec l’instauration d’« un mécanisme d’intéressement aux économies réalisées» pour les Préfets ! Autrement dit, le gouvernement promet des primes aux préfets qui réalisent le plus d’économies dans leur région ou dans leur département. C’est oublier complètement l’usager et la finalité du service public. Dérives garanties !
Une occasion manquée
D’autres choix auraient permis l’adaptation des services de l’Etat et de ses opérateurs aux évolutions de la société. Mais le gouvernement fait celui d’affaiblir la fonction publique pour mieux la démanteler et permettre aux grandes sociétés privées d’en tirer de substantiels bénéfices. Comment ignorer les conséquences de ces politiques au regard de l’actualité ? Le récent drame du pont Morandi à Gênes est venu nous rappeler les conséquences de l’affaiblissement des contrôles de l’Etat et de la recherche éperdue du profit. Les crédits indispensables à l’entretien de l’ouvrage ont été utilisés pour augmenter les dividendes (un milliard d’euros !) reversés aux actionnaires de la société gestionnaire. Et qu’en est-t-il des sociétés autoroutières en France ? Dans d’autres domaines, les scandales du lait infantile contaminé, du Chlordecone dans les Antilles, ou de l’amiante nous montrent que la santé, dans notre pays, est elle aussi régulièrement sacrifiée sur l’autel du profit.
En conclusion
Si le rapport CAP 2022 (voir le tract « la « Benallisation » des services publics ») en a donné les grandes lignes, les circulaires de juillet lancent concrètement la phase opérationnelle de l’affaiblissement de l’Etat. Loin du discours enjôleur qui parle de « réinventer » le service public, pour que l’Etat « remplisse au mieux ses missions », la réalité portée par ces textes ne laisse aucun doute : « périmètre allégé », « pilotage transféré », « mutualisation des moyens », « fusions », « transitions professionnelles », « reconversions » et rôle central donné aux préfets de régions, sont autant d’objectifs clairs masqués par un nuage d’expressions technocratiques plus fumeuses les unes que les autres. Et en pointant le réseau DDCS/DR(D)JSCS, le gouvernement le condamne déjà, et avec lui, les objectifs de la cohésion sociale.
La CGT défend une autre vision : un rôle central donné à l’Etat régulateur avec les moyens humains – les fonctionnaires (dont le Statut Général garantit l’indépendance en les protégeant des pressions extérieures) – et financiers nécessaires pour garantir à tout un chacun sa sécurité et sa place dans une société plus égalitaire, solidaire, et somme toute, plus humaine.
La CGT dénonce cette énième remise en cause du secteur public et annonce des conséquences sociales désastreuses pour les agents de l’Etat et pour les usagers.