La crise politico-médiatique autour de l’arrivée dans le port de Toulon de l’Ocean viking est révélatrice du fait que, pour ce Gouvernement, dans la continuité de ceux qui l’ont précédé, le sujet de la politique d’asile et d’intégration est uniquement une question de maintien de l’ordre public. Les personnes migrantes, fuyant guerres, misères et dérèglement climatique ne sont pas vues comme des personnes à accueillir et protéger mais comme des ressources à exploiter, des profiteurs à décourager et, par le Ministère de l’Intérieur, comme des fauteurs de trouble à réprimer.
Selon les éléments de langage du Ministre de l’Intérieur, pilote de la politique « d’intégration », à propos de son projet de loi : il faut être « Gentil avec les gentils et méchant avec les méchants». « Gentil » avec les demandeurs d’asile qui travaillent (en leur donnant un titre de séjour, à tout moment remis en question en cas d’arrêt de travail), « méchant avec les méchants » et même très méchant avec les « super-méchants » en expulsant ceux et celles qui, soit ne trouvent pas de travail, soit trainent à rentrer dans le rang des valeurs de la République.
Mais de quelles valeurs de la République parle-t-on quand, un an après la mort de 27 migrants qui tentaient de rejoindre l’Angleterre, le préfet du Nord Georges-François Leclerc a assuré, non sans cynisme, sur France Bleu Nord que »les policiers et les gendarmes étaient animés par la volonté de sauver des vies » ? Comment croire l’ex-Préfet des Alpes Maritimes, condamné par deux fois par le tribunal administratif de Nice en 2017, pour »atteinte grave et manifestement illégale à la liberté fondamentale que constitue le droit d’asile » ?
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Les agents du Ministère des Solidarités et de la Santé ne sont pas des auxiliaires de police
Dans nos services, et notamment depuis la création des DDI, la mainmise du Ministère de l’intérieur sur la politique d’accueil et d’intégration s’est amplifiée au détriment des politiques sociales. Dans nombre de DDi, les corps techniques du Ministère des affaires sociales sont en train de disparaitre. Dans le même temps, l’analyse et la prise en compte sociale des personnes migrant·es laisse place à la mise en œuvre de la politique du chiffre et de tri en vue de les expulser des places d’hébergement (pour les rares qui arrivent à en obtenir), voire à les expulser du territoire (y compris après de nombreuses années de présence en France).
Les agent·es du Ministère des Solidarités et de la Santé qui œuvrent dans les DDETS, DDETS-PP et dans les ARS n’ont pas choisi d’y travailler pour participer aux politiques de tri et d’expulsion massives. C’est tout le contraire !
Et pourtant, confronté·es au manque de moyens humains et financiers consacrés à la politique d’asile et d’hébergement et à la pression des préfet·es, relayée et appuyée par les directions, nos collègues se retrouvent à devoir agir au quotidien dans un cadre non conforme à leurs valeurs.
Cette discordance est aussi imposée par l’État à ses opérateurs, tirant vers le bas les conditions de travail dans les associations, rejetant leur action militante en les criminalisant et in fine privilégiant des grands groupes qui cherchent à faire du profit sur le dos des personnes vulnérables. De plus en plus souvent, dans ces grands groupes le recrutement de personnels qualifiés est sacrifié aux augmentations de salaires des dirigeants sans que l’Etat n’y trouve à redire, ou n’ait les moyens de contrôler l’utilisation des fonds.
L’exemple ukrainien : avec des moyens on peut faire mieux
Que dire du traitement inégalitaire accordé à l’accueil de certain·es migrant·es ? Des moyens extraordinaires ont été mise en œuvre pour l’accueil des déplacé·es Ukrainien·nes, et nous ne pouvons que nous en féliciter. Cela démontre qu’un accueil digne est possible et qu’il s’agit d’une question de volonté.
En effet, contrairement à ce que l’on fait subir habituellement aux personnes migrantes, il a été possible pour les Ukrainien·nes de bénéficier d’aides financières sans conditions, de choisir leurs conditions d’hébergement, etc. Comment accepter que ces règles ne soient pas étendues à toutes les personnes qui, elles aussi, ont été poussées à quitter leur pays par la guerre, les violences et la misère ? Les agent·es des DDETS et des DREETS sont actrices et acteurs de cette injustice quotidienne dans le traitement des situations. C’est contraire à leurs valeurs, aux valeurs d’humanité !
Nous exigeons une politique d’accueil juste, solidaire, avec des moyens, adaptée aux enjeux des crises migratoires que nous rencontrons. Nous refusons l’emprise du ministère de l’intérieur sur la politique d’intégration qui relève des politiques sociales.
C’est pourquoi le SNASS-CGT revendique :
- Un accueil digne pour toutes et tous, avec un accompagnement vers l’emploi et le logement ;
- La séparation de la question du droit d’asile de celle du contexte de l’emploi et de l’ « employabilité » des personnes ;
- Le retour à des politiques d’accueil des demandeurs d’asile et d’insertion des réfugiés, d’accueil et d’hébergement d’urgence, d’accès au logement avec une expertise sociale et humaniste, en lieu et place de flux de populations à gérer ;
- La qualité de l’intervention des prestataires doit être au cœur des préoccupations des services de l’État dont l’intervention ne doit pas être phagocytée par le reporting !