Le journal de la CGT – numéro 30

Édito

Marylise Lebranchu, ministre de la fonction publique, a fait le 10 mars 2015 un point d’étape sur cet important sujet avec les organisations syndicales, préalablement à l’examen du thème principal, celui des carrières et rémunérations.

Maintes fois différée, cette négociation s’inscrit dans un contexte difficile, celui de la réduction des effectifs, de la réorganisation territoriale, de la revue des missions…

Le gouvernement, répondant aux injonctions de la commission européenne et du « pacte de stabilité », mais aussi pour financer les cadeaux au patronat du « pacte de responsabilité », prévoit 50 milliards d’économies budgétaires sur la période 2015-2017.

Résultat de cette politique destructrice des services publics : l’ensemble constitué par les traitements bruts, primes et pensions a reculé en 20 ans de 10 milliards d’euros, ce qui représente 0,5 point du produit intérieur brut économisé sur le dos des fonctionnaires ! Plus qu’il n’en faut pour revaloriser les carrières et rémunérations…

Tout est donc question de priorités politiques : la balle est à présent dans le camp de la ministre et de son gouvernement !

1. De quoi s’agit il exactement ?

« L’avenir de la fonction publique » est une négociation qui a pour objet de revoir les « parcours professionnels carrières et rémunérations » de l’ensemble des fonctionnaires de l’État, des collectivités locales et de l’hospitalière. Il s’agit d’une première depuis celle ayant conduit au protocole Durafour en 1990.

2. De quoi va traiter cette négociation ?

  • La gestion des emplois avec un sujet phare, la création des cadres d’emploi « trans-fonction publique » qui seraient communs aux corps et cadres d’emplois dont les missions relèvent de la même filière professionnelle, à l’État, la Territoriale, l’Hospitalière.Spécifiquement pour la fonction publique de l’État, il s’agira en parallèle de relancer le processus de fusion des corps existants et le développement des CIGEM (« corps interministériels à gestion ministérielle »).Les taux de promotion auraient vocation à être inscrits dans chaque statut particulier et les modalités d’avancement d’échelon seraient revues en fonction de la « valeur professionnelle » qui remplacerait le système de réduction de durée d’échelon actuel.Un recrutement sans concours serait aménagé, au premier niveau de la grille de la catégorie C, afin de faciliter l’entrée dans la fonction publique à certains publics.parcours pro carotte
  • L’architecture statutaire, avec le maintien des catégories A, B et C, la ministre estimant que le classement des corps et cadres  d’emplois dans ces catégories doit être fonction non seulement du niveau des qualifications requises au recrutement mais également du niveau des missions confiées aux agents.
  • La rénovation des carrières et des rémunérations :
    Il s’agit du cœur de la négociation, attendue par l’immense majorité des personnels dont les carrières et rémunérations sont actuellement quasiment au point mort. Elle portera sur :
    – L’organisation des corps (nombre de grades/classes, échelons…);
    – L’amplitude indiciaire de chaque catégorie A, B, et C (écarts entre le traitement de début et de fin de carrière) ;
    – La durée des carrières que la ministre souhaite rallonger de 25 ou 26 ans en moyenne aujourd’hui, à 35 ans après la réforme.

3. Quel est le calendrier de cette négociation ?

Dans la mesure où celui ci sera respecté, la négociation sera conclue avant le 2 juin 2015, au cours d’une ultime séance présidée par la ministre. Un projet d’accord soumis à la règle majoritaire sera proposé ensuite à la signature des organisations syndicales de la fonction publique.

4. Quand seront visibles sur la feuille de paye les premières mesures?

La ministre a indiqué que les revalorisations s’étaleraient de 2016 à 2021 et qu’elle disposait pour cela d’un mandat pour négocier dans le cadre du budget triennal pour 2016 et 2017.

5. Que pense le SNASS-CGT de ce dossier ?

Il apparait à ce stade que la négociation est guidée par plusieurs axes majeurs :

  • Favoriser les mobilités au sein de chaque versant de la fonction publique, grâce à des fusions de corps, et entre ces mêmes versants par des « cadres transfonction publique ». Dans le contexte de large réorganisation territoriale que nous connaissons, ces dispositions sont extrêmement dangereuses pour les personnels qui pourront ainsi être déplacés ou mutés facilement, au besoin contre leur gré. D’autre part, l’expérience des « CIGEM » démontre que les regroupements de corps rendent souvent la gestion des agents compliquée et diluent la spécificité des missions et qualifications des personnels (exemple des techniciens sanitaires et de sécurité sanitaire, des travailleurs sociaux et infirmiers).parcours pro labyrinthe
  • Encadrer les revalorisations des grilles de chaque corps afin d’en contenir leur coût : en effet, la ministre a bien pris soin de préciser que la durée des carrières serait rallongée, ce qui aura pour effet d’étaler leur impact budgétaire mais aussi d’empêcher les personnels proches de la retraite d’atteindre les indices sommitaux de fin de carrière. (l’exemple du « nouvel espace statutaire » de la catégorie B créé en 2009 est à cet égard parlant!).
  • Refuser une augmentation générale des traitements : la ministre a déclaré qu’elle ne disposait d’aucun mandat pour répondre à la revendication unanime de l’ensemble des organisations  syndicales, à savoir la revalorisation immédiate de la valeur du point d’indice, afin d’entamer le rattrapage des pertes cumulées de pouvoir d’achat dans la fonction publique !
  • Intégrer partiellement les primes dans les traitements, d’autant plus que celles ci se sont multipliées depuis 30 ans, (environ 1300 primes à ce jour). Cette mesure sera de ce fait de portée très limitée.
  • Raisonner en termes de « niveau de missions » pour classer les corps et cadres d’emploi dans les catégories met en avant les « compétences » des agents plus que les qualifications, déterminées elles par le niveau de diplôme au recrutement. C’est un coin enfoncé dans le principe liant la qualification exercée au diplôme détenu, qui conforte l’indépendance du fonctionnaire par rapport au pouvoir politique.

Les fonctionnaires sont en attente d’une négociation qui permette de rattraper des années de régime sec et pas de flexibiliser  insidieusement l’emploi public afin d’accompagner la réforme territoriale !

Le SNASS-CGT revendique :

  1. une négociation qui porte sur une revalorisation immédiate de la valeur du point indiciaire afin de rattraper les pertes de pouvoir d’achat cumulées ;
  2. l’intégration de l’ensemble des primes dans le traitement indiciaire et l’abrogation du RIFSEEP (nouveau régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l’expertise et de l’engagement professionnel- voir journal CGT n°29) ;
  3. Deux grades maximum par corps avec avancement automatique des agents bloqués dans le dernier échelon de leur grade ;
  4. Une amplitude de carrière dans chaque corps permettant de doubler l’indice de fin de carrière par rapport à l’indice de début.
  5. Des traitements revalorisés selon une fourchette de 1 à 4,6 permettant de reconnaitre les niveaux de qualification de chaque catégorie A,B,C, dont les rémunérations de début de carrière sont aujourd’hui tirées par le bas vers le SMIC.


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